C'est le grès qui a fait la célébrité de ce village qui comptait jusqu'à 80 potiers vers 1850. La Borne a utilisé l'émaillage à la cendre et au sel jusqu'au début du 19ème siècle avant d'adopter le laitier pour des émaux allant du jaune roux au brun.

A coté d'une production utilitaire abondante et de qualité, le Berry se distingue depuis la fin du 18ème siècle par la production de ses "imagiers" qui réalisent des pichets, bouteilles ou écritoires anthropomorphes ou zoomorphes qui font aujourd'hui partie des chefs d'oeuvre de l'art "populaire" et sont exposés dans les plus grands musées.

On ne peut parler de La Borne sans parler de la dynastie des Talbot qui a fait la gloire du village. Cette famille venue sans doute d'Ecosse au 15ème siècle a marqué l'histoire du village jusqu'au milieu du 20ème siècle.

C'est à cette époque que, alors que la poterie n'avait cessé de décliner depuis la fin du 19ème siècle, François Guillaume et son épouse feront de La Borne un des centres majeurs contemporain pour la création céramique. Tout au long de cette histoire, les sifflets de La Borne ont fait partie des modèles fabriqués traditionnellement par les potiers du village.

Pichet signé Jacques Sébastien Talbot Col. Musée Saint Vic Saint-Amand-Montrond
Photo J-Y Hugoniot pour "Chefs d'oeuvre de terre en Berry" (1995)

Contrairement à la majorité des autres centres potiers français, la production ancienne de sifflet du Berry est quasiment inconnue. Tout au plus le musée du Berry conserve-t-il un sifflet ancien en forme d'oiseau entré dans les collections au début du 20ème siècle.

L'absence de contexte et d'étude détaillée empêche de le dater.

Ce sifflet présente déjà les caractéristique des sifflets de la Borne. Il est globulaire et sans socle contrairement aux sifflets de la moitié nord et de l'est de la France.
Incomplet, son décor fait de traits formant un plumage stylisé et de bandes de points montre qu'il s'agit d'un oiseau.

Le sol de Bourges a livré également un sifflet du 16ème siècle mais celui-ci vient du Beauvaisis. Un sifflet en forme d'oiseau a aussi été trouvé en fouille à Issoudun et reste à étudier.
On peut conclure que la production berrichonne de sifflets antérieure au 19ème siècle est à découvrir.

les sifflets globulaires: Les sifflets en forme d'oiseau correspondent à la production majoritaire du 19ème et 20ème siècles.

Le plus souvent, un trou de jeu placé à l'avant ou sur le dessus du sifflet permet de moduler une tierce ou une quinte.

Cette forme est la base utilisée pour les sifflets en forme de chien, chouette et autres animaux. Il faut noter que ces modèles ne sont que très rarement sur socle contrairement à la forme courante de la moitié nord de la France.

Ils sont en forme de cruches (chevrettes de type berchet) ou de simples pichets sans anse. Ces modèles sont rares et datent du 19ème siècle ou début 20ème siècle.

Les sifflets tubulaires:
Cette typologie sert de base à la réalisation de petits sifflets en forme de serpents. Elle est cependant très exceptionnelle.

La production de La Borne se distingue des autres centres potiers français par la variété immense des formes réalisées.

Si l'oiseau est majoritaire, la chouette est très présente et son nom en patois berrichon: la "chavoche" a donné le nom aux sifflets globulaires réalisés à la Borne.
A coté de la chouette, coqs et poules font partie des formes classiques. Le cheval ou le chien sont aussi des formes appréciées des potiers. Tous ces sifflets globulaires sont réalisés à partir du modèle piriforme servant de base aux oiseaux.

Les sifflets anthropomorphes sont rares. Certains reproduisent les pichets anthropomorphes qui font la gloire des meilleurs potiers.

Ce sont les formes des poissons et des serpents qui sont les moins explicables. Le poisson et le serpent ne sont pas des animaux chargés de symboles positifs et sont rarement reproduits en Europe. A La Borne, ces modèles sont courants tout au long du 20ème siècle. Malheureusement, aucun sifflet ancien ne permet de savoir si ces formes étaient traditionnelles.

Alors que la production de sifflets est importante, rares sont les traditions du Berry qui nous parlent du sifflet et aucune "fête du sifflet" n'est rapportée pour la région.
La tradition qui consistait à glisser un sifflet en forme de sexe masculin dans la poche des blouses des jeunes filles est la seule attestée de façon orale dans le village.

Pourtant, la poterie de La Borne était vendue à des grossistes locaux ou dans des foires mais aucun témoignage de la vente de ces sifflets n'est connu. Il faudrait aussi déterminer la diffusion de ces sifflets et leur mode de vente.

Les traditions autour du sifflet des autres régions ne se retrouvent pas en Berry.
Ainsi les modèles globulaires ne sont pas des "coucous" mais des "chavoches", la chouette en patois. Le son produit peut évoquer ces deux oiseaux mais, on retrouve le terme de "coucou" dans le reste de l'Europe. Le choix de la "chouette" nous entraîne-t-il dans le monde des forêts berrichonnes où sorciers et magie ont marqué le paysage jusqu'à une époque récente?

Les sifflets en forme de serpent ou de poisson rappellent-ils aussi les traditions locales? Chouettes, serpents, poissons et autres animaux ont en Berry une symbolique forte. Les cheveux de sorcières se transforment en serpent et la chouette est une incarnation éventuelle de la sorcière comme le chien pour le sorcier.

L'étude des modèles présents dans les collections privées ou publiques montrent une variété de styles. Les similitudes de ces exemplaires permettent d'identifier un nombre de fabricants assez limité.

Comme dans beaucoup d'autres centres potiers, seuls quelques potiers habiles réalisaient cette production. Beaucoup d'entre eux font partie des grandes dynasties de potiers car le modelage des sifflets s'apprend souvent de père en fils ou de mère en fille.

Seuls de rares exemplaires du 19ème siècle sont connus. En revanche, Valentine Chameron nous a laissé de multiples sifflets réalisés dans la première moitié du 20ème siècle.
Après la production dans les années 1960 de sifflets par les derniers potiers traditionnels, ce sont aujourd'hui les artistes céramistes qui continuent la tradition.

(cliquez sur la photo pour découvrir la production de sifflets des potiers de La Borne)